Pour en finir avec les riverains
La volonté — du moins dans le discours — d’aller toujours plus loin dans la participation citoyenne au profit du projet urbain est maintenant sans limite. Soit. Mais pourquoi donc cette détermination ne remet-elle pas en cause le sacro-saint privilège accordé aux riverains ? Il suffit de cohabiter, de près ou de loin, avec un site de projet pour se voir reconnaître de facto, par la maîtrise d’ouvrage publique ou privée, une voix prépondérante quand ce n’est pas un droit d’expression exclusif. Peu importe que le phénomène tienne à une forme de clientélisme, à une paresse, à l’habitude, à la crainte accrue du recours administratif… ou à la propension naturelle des riverains à revendiquer leur prétendue légitimité. Ce qui est insupportable dans cette situation qui perdure, c’est qu’elle pervertit le principe même d’une concertation publique (quel que soit sa forme ou son degré d’amplitude). Car, si la question de la représentation citoyenne idéale dans ce type de démarche demeure non résolue, il est évident que le prisme riverain corrompt, par définition, la vertu publique du débat. Chacun le sait depuis toujours, l’intérêt singulier y prime outrageusement sur l’intérêt général. On connaît toute l’étendue et l’inventivité retorse des parades auto-défensives, le syndrome NIMBY*. On dénonce moins l’effet pervers de la contribution positive des riverains. Elle présuppose systématiquement — sans compétence ni légitimité particulière — le bénéfice de tiers, au nom desquels on parle et à qui on a le plus souvent rien demandé : les véritables destinataires du projet. Les riverains sont aussi prolixes lorsqu’il s’agit de faire le bien des autres que lorsqu’ils défendent le leur propre. Leur bonne conscience, et celle de la maîtrise d’ouvrage, en plus.
PS : En totale contradiction avec le point de vue qui précède, son auteur, riverain d’un équipement majeur d’intérêt public reconnaît pleinement défendre à son égard ses propres intérêts et ceux de ses pairs riverains. D’où l’intérêt de ne pas le, les consulter de manière exclusive à son sujet. CQFD.
*« Not In My BackYard»,« pas dans mon arrière-cour ».